martedì 6 novembre 2007

Dans la trappe de Gaza, le Hamas ne parle plus d'une seule voix

Alain Campiotti, Gaza, Le Temps, 6.11.07. Des dissensions apparaissent dans l'entourage du premier ministre Ismaïl Haniyeh. Des conseillers reprochent aux radicaux de ne pas avoir su saisir la chance du pouvoir. Le Hamas, dans sa grande solitude, a commencé de se fissurer. Les hommes qui sont accusés de déviation modérée sont très proches de Ismaïl Haniyeh: Ghazi Hamad, son porte-parole, et Ahmed Youssef, son principal conseiller politique.
Si un jour des diplomates américains acceptent de parler à des responsables du Hamas - «organisation terroriste» -, Ahmed Youssef sera sûrement de l'autre côté de la table. A l'entendre, c'est d'ailleurs déjà arrivé. Cet homme au visage empâté et couvert d'une rase barbe blanche a vécu une vingtaine d'années aux Etats-Unis, il connaît les couloirs de Washington. Est-ce ce passé américain qui le rend suspect à l'aile dure du Hamas? «J'ai parfois dit en anglais des choses qui ont pu être mal traduites ou mal interprétées», explique-t-il. Des choses? Ahmed Youssef a par exemple déclaré que la Résistance islamique ne refuse pas par principe des négociations avec Israël, ou une conférence comme celle qui doit s'ouvrir dans quelques semaines à Annapolis, dans le Maryland. «Mais de telles discussions n'ont de sens que si elles abordent de front les questions centrales: frontières, Jérusalem, prisonniers, droit au retour des réfugiés. Or les expériences précédentes (Madrid, Oslo) n'ont apporté aux Palestiniens que des promesses non tenues et nous ont rendus de plus en plus faibles. Israël montre en fait qu'il ne veut rien céder.»

Sur Annapolis, le Hamas a adopté une position à laquelle chacun maintenant se tient: opposition totale, et Mahmoud Abbas n'a pas de légitimité pour y représenter les Palestiniens. «Tous ceux qui y participeront - Bush, Olmert, Abbas - sont sur le déclin, ajoute le conseiller. Ils sont comme des aveugles dans une porte à tourniquet: ils croient qu'ils avancent, ils restent sur place.»

Ahmed Youssef s'est fait le porte-parole d'une proposition inspirée du Coran: la houdna, une trêve de dix ans ou plus, qui permettrait de négocier sur le fond, mais sans reconnaissance de l'Etat juif. Israël, bien sûr, refuse, comme tout ce qui vient du Hamas. «Pour renverser ce mur, il faut que les Européens imposent des discussions avec la Résistance islamique. Sinon la Palestine étranglée explosera. On ne peut maintenir indéfiniment dans une cage un chat rendu fou.»

Ahmed Youssef reçoit dans un bâtiment de l'Autorité palestinienne, où les gardes prient ensemble dans une pièce minuscule. Mais ce n'est pas là que le premier ministre travaille. Le porte-parole Ghazi Hamad, lui, ne vient plus à Gaza et reste dans sa maison de Rafah. Il a été mis à l'écart parce qu'il s'est avancé plus loin. Dans un article, dans une lettre, il a dénoncé «la faute stratégique» que le Hamas a commise en juin en chassant le Fatah de Gaza. Lui qui a été l'un des principaux avocats de la participation - victorieuse - aux élections de 2006 reproche au mouvement d'avoir gâché la chance du pouvoir en ne sortant pas de «positions rigides et de slogans creux».

Ces tensions internes, Ismaïl Haniyeh a voulu les apaiser dimanche en indiquant, lors de sa très rare apparition, une ligne générale largement dictée par l'aile intransigeante. Mais les complications sont aussi à l'extérieur, avec des alliés traditionnels. Le Hamas voulait organiser avec ses alliés ultras un contre-Annapolis à Damas. Le régime syrien, sous pressions diverses, dont celles d'une délégation dépêchée par Mahmoud Abbas, n'est plus chaud: il a renvoyé, peut-être annulé la conférence. Le front du refus, qui va de Téhéran à Gaza en passant par la Syrie et le Hezbollah, tiendra. Mais avec des fissures.

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