domenica 26 agosto 2007

Le Hamas instaure "décence" et "respectabilité" sur l'ancienne plage huppée de Gaza

Benjamin Barthe (Gaza, envoyé spécial), Le Monde, 23/08/07. De la vaste salle de réception qui marquait l'entrée de la plage huppée de Gaza, il ne reste qu'une charpente calcinée. L'endroit, surnommé "Chaléatte" ("chalets", en arabe) en référence aux bungalows alignés sur le sable, a fait les frais de la colère du Hamas. Parce que les membres de la Force spéciale du Fatah, une escouade de miliciens à la brutalité notoire, l'avait transformé en caserne, ce complexe touristique a été détruit, le 14 juin, au moment où les ultimes policiers fidèles au président Mahmoud Abbas rendaient les armes.


Désormais réduit à sa belle plage de sable fin, "Chaléatte" a été rebaptisé "Istiraha Al-Aqsa" ("aire de repos Al-Aqsa") et a rouvert sous la houlette de la Jamaat Al-Salah, une association de charité liée au mouvement de la résistance islamique. A partir de 17 heures, quand la chaleur décline, des milliers de Palestiniens viennent y savourer le bon air du large. Tandis que les hommes et les adolescents jouent dans les vagues, les femmes, sagement voilées, veillent sur les plus petits. L'ex-fief de l'élite gazaouie est devenu une plage comme les autres, où le conservatisme naturel de la société palestinienne est désormais de rigueur. "L'ère du bikini est terminée", plastronne Abou Al-Abed, le chef de la sécurité.

L'endroit avait été créé au début du processus de paix par Souha Arafat, alors "première dame" de Palestine. Il attirait la nomenklatura du régime, nostalgique des plages de Tunis où elle avait vécu en exil auprès de Yasser Arafat. Le prix d'entrée, relativement sélectif - 20 shekels (3,5 euros) par personne - permettait à quelques rares audacieuses de se baigner en maillot, à l'écart des regards indiscrets. Le chanteur égyptien Mustafa Amar s'y était produit et la danseuse du ventre Fifi Abdou, reine des nuits cairotes, y était passée lors d'un séjour auprès de son mari palestinien.

De ce passé jugé "indécent", les nouveaux propriétaires ont fait table rase en abaissant le prix d'entrée à 10 shekels (1,7 euro) par famille. "Maintenant, ceux qui viennent ici sont des gens normaux, avec un comportement respectable", affirme Abou Al-Abed.

Kamal Hbeir, 58 ans, patron d'une petite entreprise de textile, est l'un d'eux. Assis sous un parasol, les pieds léchés par les vagues, il surveille sa petite fille qui barbote dans une bassine remplie d'eau. "Regardez son sourire, dit-il. Pour une bouchée de pain, toute la famille se paie une journée de détente formidable. Avant, ce lieu n'était pas honorable. Nous n'y allions jamais. Aujourd'hui, si des jeunes s'avisent de draguer une fille, la Force exécutive (la police du Hamas) arrive dans la minute." En retrait du rivage, un groupe de jeunes membres du Hamas achève une réunion. "Nous sommes venus faire une journée de formation et de détente ici, explique l'aîné, Mohamed Masri, 25 ans, employé du ministère de la santé. Depuis qu'Abbas et sa clique de débauchés sont partis à Ramallah, cette plage est ouverte à tout le monde. C'est un véritable progrès." Au programme de leur fin d'après-midi : baignade, partie de football et barbecue. Sans oublier la prière du coucher du soleil, célébrée, comme tous les jours, dans une tente dressée sur le sable.

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