giovedì 30 agosto 2007

L'économie gazaouie paralysée par le blocus israélien

Benjamin Barhe, Le Monde, 28/08/07. Des centaines de palettes de bouteilles de boissons gazeuses sont entreposées sous l'immense hangar de l'usine Pepsi Cola, à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza. En temps normal, ces stocks sont écoulés en quelques heures auprès des épiceries du mince territoire palestinien. Mais depuis deux mois et demi, aucun camion de livraison n'est sorti du hangar, car les bouteilles sont vides. Le blocus de la bande de Gaza imposé par l'armée israélienne à la suite du coup de force du Hamas, le 14 juin, a en effet épuisé les réserves de l'usine en dioxyde de carbone (CO2). Faute de ce gaz nécessaire à la confection de toute boisson à bulles, les bouteilles n'ont pas pu être remplies.

J'ai le sucre, les étiquettes, les bouteilles, les composants chimiques, les bouchons et les cartons, fulmine Mohamed Yazegi, le patron de cette entreprise familiale, ouverte en 1960. L'armée israélienne sait très bien qu'avec un seul container de CO2, je pourrais me remettre à travailler pendant deux semaines. Mais parce que les dirigeants israéliens sont décidés à mettre le Hamas à genoux, ils refusent de laisser rentrer mon gaz. J'ai dû licencier 200 de mes employés."

"PUNITION COLLECTIVE"

Le patron de Pepsi Cola n'est pas le seul dans ce cas-là. Du fait de la fermeture du terminal de Karni, l'épine dorsale de l'économie gazaouie par où transitent en temps normal les importations et les exportations palestiniennes, près de 85 % des entreprises ont cessé de fonctionner. Selon l'agence de promotion du commerce Paltrade, 70 000 Palestiniens ont perdu leur emploi, qui faisait vivre plus d'un tiers de million d'habitants.

Soucieux d'éviter les contrecoups médiatiques d'une pénurie alimentaire, le gouvernement israélien laisse passer à intervalles réguliers des convois de nourriture et de produits de première nécessité par le point de passage de Sufa, au sud de Karni. En revanche, toute exportation demeure impossible, de même que l'importation de matières premières et de marchandises à usage industriel.

Le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, justifie cette politique par la fuite des forces de sécurité et des employés affectés à Karni, dans la foulée de la victoire militaire du Hamas. En leur absence et compte tenu du fait qu'Israël refuse tout contact avec les islamistes, le terminal, dixit la version officielle, est condamné à rester fermé. Mais selon l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme Gisha, l'Etat juif est tenu d'assurer le bien-être de la population de Gaza dans la mesure où le droit international considère toujours qu'il "occupe" ce territoire. "Israël veut atteindre des objectifs politiques, à savoir le renversement du Hamas, en exerçant une pression sur 1,4 million d'hommes, de femmes et d'enfants, explique Sari Bashi, le directeur de Gisha. Il s'agit d'une punition collective, qui viole le droit humanitaire international et contredit les intérêts d'Israël."

L'un des secteurs les plus touchés est le BTP. Privé de gravier et de ciment, tous les chantiers en cours ont été gelés. "Le premier mois, j'ai payé mes ouvriers ; le deuxième, je les ai mis en vacances ; le troisième, je les ai licenciés, explique Rafiq Hassouna, l'entrepreneur numéro un de la bande de Gaza. Il ne me reste qu'une secrétaire et un planton pour me faire le café." Parmi ses contrats arrêtés figurent la rénovation de la route Salaheddin, l'axe principal de la bande de Gaza, ainsi qu'un hôpital pour la réhabilitation des handicapés.

A demi-mot, certains hommes d'affaires palestiniens accusent le président palestinien Mahmoud Abbas d'appuyer le bouclage israélien pour forcer le Hamas à lui rendre le pouvoir. "Il est clair que le Fatah ne fait pas tout ce qu'il peut pour résoudre la crise, dit M. Hassouna. Avec toutes les connexions qu'il a en Israël, Salam Fayad (le premier ministre palestinien) pourrait nous aider davantage."

Une thèse démentie par un conseiller du président Abbas. "Nous ne sommes même pas capables d'obtenir la levée d'un simple check-point en Cisjordanie, dit-il. Comment pourrions-nous obliger Israël à rouvrir la bande de Gaza ?" Pour débloquer la situation, diverses propositions sont à l'étude, destinées à confier le contrôle de Karni côté palestinien à une agence de sécurité privée étrangère.

Pour Mohamed Yazegi, l'urgence n'est pas seulement économique. "Les ouvriers que j'ai licenciés sont des proies faciles pour tous les extrémistes. Le Hamas a déjà proposé à certains d'entre eux de nettoyer les rues pour 100 dollars (73 euros) par mois. Bientôt, à la place d'un balai, il leur donnera un kalachnikov."

Benjamin Barthe
Article paru dans l'édition du 28.08.07.

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