Benjamin Barthe Gaza Envoyé Spécial, Le Monde, 3/08/07. Debout sur le perron de son magasin, dans le centre-ville de Gaza, l'homme hésite à parler, implore de ne pas publier son prénom puis, finalement, entame son récit. C'était dans la nuit du 14 au 15 juin, alors que les ultimes défenseurs de la présidence palestinienne prenaient la fuite et que le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) achevait, à la stupéfaction générale, sa conquête de la bande de Gaza. "Vers 3 heures du matin, des miliciens masqués ont fait irruption dans l'immeuble de ma famille", raconte-t-il. Son clan, les Abou Chakhla, est célèbre à Gaza pour avoir bâti la mosquée Al-Amin, l'un des rares lieux de culte estampillés Fatah, dressée juste en face de la résidence du président Mahmoud Abbas. "Ils ont demandé les clés (de la mosquée) sur un ton qui ne souffrait aucune discussion, ajoute-t-il. Nous nous sommes exécutés."
Cette dérive touche l'ensemble du mince territoire palestinien. De même qu'ils n'ont pas perdu une minute pour collecter les armes de leurs adversaires, les miliciens du Hamas ont rapidement investi les lieux de prière où ils n'étaient pas encore implantés. Dans le centre de Gaza, Al-Katiba, la mosquée officielle du régime, est passée sous leur coupe. "Il n'y a plus moyen d'entendre un prêche normal le vendredi, soupire Hazem Qandil, un fonctionnaire du ministère de l'intérieur. Où que tu ailles, l'imam traite les dirigeants de Ramallah de malfaiteurs et de putschistes. Désormais, je me débrouille pour arriver à la fin du prêche afin de n'assister qu'à la prière proprement dite."
L'entrisme du Hamas dans les mosquées n'est pas un phénomène nouveau. A l'époque où ses militants n'étaient pas encore engagés dans la "résistance", l'armée israélienne, désireuse de contrer l'influence de l'OLP, leur avait permis de construire des dizaines d'édifices religieux. L'Autorité palestinienne, mise en place à partir de 1994, n'a jamais réussi à placer sous tutelle la totalité de ces lieux de culte. Après sa victoire électorale en janvier 2006, le Hamas nomma ses hommes au sein du ministère des Waqfs, chargé de la gestion des mosquées et débuta une purge silencieuse.
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