1. Le test des positions d’ouverture des négociations
Avant même le début des pourparlers sur un accord définitif, le gouvernement doit clarifier ses positions d’ouverture sur chacun des points essentiels. S’il adopte l’approche selon laquelle les Palestiniens doivent se contenter de la clôture de sécurité comme frontière politique, accepter la souveraineté d’Israël sur le Mont du Temple et effacer totalement tout rappel du retour des réfugiés, nous pouvons économiser les frais entraînés par la mise en place d’une Administration de la paix.
Mahmoud Abbas et la direction palestinienne, qui a émergé d’Annapolis avec la mission de mener les négociations sur un accord de paix, est bien plus faible que la délégation emmenée par Yasser Arafat à Camp David en juillet 2000. Après sept ans de « pas de partenaire », la destruction des infrastructures du gouvernement central palestinien, la victoire du Hamas et la perte de Gaza, la marge de manœuvre du Fatah est très réduite.
Mahmoud Abbas ne peut pas se permettre de renoncer à un seul centimètre carré de plus qu’Arafat (les lignes de 1967), avec des ajustements de frontières sur la base de l’égalité et de l’accord mutuel des deux parties. Sur Jérusalem et les réfugiés, il ne servirait à rien de proposer aux Palestiniens moins que ce que le plan Clinton offrait en décembre 2000 [2]
2. Le test du tissu social
Les principes d’Annapolis renvoient les parties à la formule de Rabin : mener les négociations comme s’il n’y avait pas de terrorisme et combattre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de négociations. Toutefois, l’expérience du processus d’Oslo nous enseigne qu’un canal diplomatique n’a aucune valeur s’il ne s’accompagne pas d’une amélioration pour la population occupée par Israël. Les limites imposées à la circulation, les expropriations pour la construction de la clôture aussi bien que pour les colons, les assassinats et les arrestations massives sapent le soutien de l’opinion palestinienne à Abbas, et réduisent encore sa marge de manœuvre, déjà étroite. Le démantèlement des colonies dites sauvages, un gel total de la construction dans les colonies, sans se cacher derrière son petit doigt (appel aux notions de « croissance et d’expansion naturelles »), et une application totale des recommandations du rapport Sasson sur les colonies sauvages ont toujours constitué le test des intentions du gouvernement israélien [3].
3. Le test du chef d’équipe
Au sein de l’état-major, nombreux sont les généraux qui partagent toujours la conception de « l’assèchement de la motivation » des Palestiniens qui avait cours sous Shaul Mofaz et Moshe Ya’alon. Dans les départements planification et renseignement, aussi bien qu’au bureau de liaison diplomatie-sécurité du ministère de la défense, on dit et l’on écrit que si l’armée devait se retirer de la Cisjordanie, nous serions obligés de protéger les maisons de Kfar Saba (ville proche de Tel-Aviv et près de la ligne Verte) des tirs de roquettes.
Si cela ne tenait qu’à eux, l’armée retournerait à Gaza. Ils n’ont aucune empathie pour le côté palestinien et ne pensent pas que des gestes généreux ni même un accord de paix feraient que les services de sécurité palestiniens remplaceraient convenablement les forces israéliennes dans les territoires. Or, bien qu’Olmert dise qu’il n’est pas impressionné par les scénarios d’horreur de l’establishment militaire, il envisage de nommer un ancien membre dudit establishment à la tête de l’administration de la paix, un homme qui, depuis des années, s’est habitué à voir les Arabes à travers une lunette de tir.
Lieberman n’est pas un imbécile. Après Annapolis, comme avant, il ne se presse pas de quitter le gouvernement. Tant qu’il peut fumer tranquillement ses cigares, ses amis de la colonie de Nokdim peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
[1] Texte : ->http://www.lapaixmaintenant.org/article1725]
[2] Paramètres Clinton (résumé, sur les 3 principaux problèmes. Source : "Israël et Palestine : Plans de paix et propositions - d’Oslo au désengagement" par le Pr Galia Golan - pas d’éditeur pour l’instant). Ces paramètres ont été présentés par Clinton aux 2 parties comme non négociables, après l’échec de Camp David.
Frontières : Israël se retire de 94 à 96% de la Cisjordanie, et échange territorial égal à 1 à 3% de la Cisjordanie qui viendrait compenser les Palestiniens.
Réfugiés : deux propositions, toutes les deux fondées sur l’idée que la question des réfugiés devait être résolue, en gros, dans le cadre de l’Etat palestinien. La formule pouvait être, soit une reconnaissance par les deux partie du "droit au retour des réfugiés dans la Palestine historique", soit le "droit des réfugiés palestiniens à leur patrie". Dans un cas comme dans l’autre, il n’y aurait aucune ambiguïté quant au lieu où s’exercerait ce droit : ce serait Israël qui, d’après Clinton, avait le droit de déterminer sa politique d’immigration et de préserver son caractère juif. Supposant qu’Israël pourrait autoriser un petit nombre de réfugiés à entrer, il proposa cinq options, souvent discutées par le passé : "retour" dans l’Etat palestinien ; "retour" dans les zones transférées aux Palestiniens dans le cadre des échanges de territoires ; intégration dans les pays où ils se trouvaient actuellement ; réinstallation dans un pays tiers ; admission en Israël. Ces trois dernières options dépendraient de la politique d’immigration de chaque pays concerné, y compris Israël. La priorité serait donnée aux réfugiés du Liban, dont le sort était peut-être le pire, et dont la plupart avaient de la famille qui vivait toujours en Galilée (Israël). Prises dans leur globalité, ces dispositions étaient considérées comme une application de la résolution 194.
Jérusalem : Les idées de Clinton ne tenaient aucun compte des arrangements géographiques compliqués imaginés par les Israéliens à Camp David, et allaient clairement dans le sens des exigences palestiniennes. Très simplement, Clinton suggéra : les quartiers arabes seraient sous souveraineté palestinienne et les quartiers juifs sous souveraineté israélienne(...). Les Palestiniens auraient réellement leur capitale à Jérusalem, et Israël, ainsi que le présenta Clinton, obtiendrait enfin la reconnaissance d’une grande partie de Jérusalem en tant que capitale de l’Etat d’Israël.
[3] Rapport Sasson : voir l’édito d’Ha’aretz "Fini de jouer"
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